HOKUSAI
Estampes originales du XIXe siècle
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HOKUSAI, LE FOU DE DESSIN
Katsushika Hokusai est aujourd’hui l’un des artistes japonais les plus célèbres à travers le monde. Son œuvre peint, dessiné et gravé incarne la spiritualité et l’âme de son pays, particulièrement dans ses estampes de paysages, synthèse des principes traditionnels de l’art japonais et des influences occidentales. Hokusai laisse une production monumentale, comprenant des milliers d’œuvres remarquables tant par leur qualité esthétique que par leur variété stylistique : peintures, dessins, gravures, livres illustrés, manuels didactiques. Il est toutefois surtout connu du grand public pour ses estampes.  

L’ESTAMPE, UNE TECHNIQUE COMPLEXE
Les estampes japonaises sont issues d’un procédé complet qui fait intervenir plusieurs acteurs. L’artiste produit tout d’abord un dessin préparatoire à l’encre (le shita-e en japonais, qui peut être traduit en « l’image du dessous »), qui est ensuite collé à une planche de bois. Un graveur professionnel vient ensuite évider la matière située aux emplacements des zones blanches du dessin, créant le motif en relief. Le croquis original est en général totalement détruit lors de cette opération. La planche gravée (que l’on appelle « planche de trait »), est couverte d’encre et pressée sur du papier afin d’obtenir des copies parfaite du dessin original. L’opération complète est répétée avec plusieurs planches, les planches de couleurs, où seules les zones que l’on veut colorer d’une teinte en particulier sont laissées en relief. Le résultat final de l’estampe est donc l’application sur papier de ces différentes planches, qui, grâce à la gravure, créent un motif coloré d’une complexité variée. Chaque estampe est donc multiple, car tirée en plusieurs exemplaires à partir d’une même planche, mais unique, car jamais les conditions (état de la planche, quantité d’encre, temps de presse…) ne se reproduisent tout à fait à l’identique.

L’UKIYO-E, LES IMAGES DU MONDE FLOTTANT
L’époque Edo au Japon (1603-1868) apporte dans le même temps une économie florissante et une perte de pouvoir des élites militaires et aristocratiques, conduisant à l’émergence d’une classe bourgeoise prospère. Une évolution sociale qui retentit sur les milieux artistiques et culturels : le mouvement ukiyo-e (« images du monde flottant ») fait écho aux aspirations et centres d’intérêt de la bourgeoisie. A l’inverse des coûteuses peintures aristocratique, ce sont les estampes sur bois qui se constituent en médium privilégié du mouvement. Peu chères en matériaux et pouvant surtout être reproduites en série, elles deviennent un biais de diffusion de l’art à grande échelle. Les thèmes et genres exploités se diversifient d’autant, s’éloignant du cadre élitiste de l’art traditionnel japonais. Paysages, animaux, histoires et personnages mythologiques, scènes de la vie quotidienne et portraits de célébrités, le mouvement ukiyo-e témoigne avec acuité de la vie quotidienne, des traditions et des croyances du Japon des maîtres des estampes.

LA MANIE DES SERIES
Certaines estampes d’Hokusai ont été réalisées dans le cadre d’ensembles réfléchis et cohérents, sciemment rassemblées dans un thème commun. C’est le cas par exemple pour les séries de lieux célèbres d’Hokusai comme Les Trente-six vues du mont Fuji ou Les Cinquante-trois stations du Tokaido. D’autres, produites au départ indépendamment, ont été rassemblées artificiellement par les maîtres ou leurs éditeurs sous forme de série ou de recueils destinés à une publication facilitée. C’est ainsi que Les carnets de croquis d’Hokusai ou L’album de dessins d’Hokusai ont vu le jour.

La collection des Hokusai manga, que l’on peut traduire par les Carnets de croquis d’Hokusai, est une de ses séries les plus célèbres. Elle comprend des milliers de croquis répartis dans une quinzaine de carnets, dont le premier fut publié en 1814. Hokusai a su saisir et reproduire de nombreuses situations avec minutie et humour. Les estampes montrent ainsi des visiteurs du bain public, des promeneurs, des travailleurs dans les rizières, des nobles se prélassant, des soldats et leurs armes, des scènes érotiques, des créatures mythologiques…Une variété de sujet qui reflète la diversités des genres de l’ukiyo-e.

 

La série des Trente-six vues du mont Fuji est emblématique dans l’œuvre d’Hokusai : il s’agit d’une collection de quarante-six estampes publiée entre 1830 et 1833, représentant des vues du mont Fuji depuis de nombreux lieux, sous tous les temps et à chaque saison. Les cent vues du mont Fuji font suite de cette série et sont publiées en trois volumes entre 1834 et 1840.

Point culminant du Japon avec ses 3 776 mètres d’altitude, le mont Fuji est vénéré et admiré par les religieux comme les laïcs et a été depuis le VIIe siècle une source d’inspiration infinie pour les artistes japonais. Dévouée à sa beauté et à sa nature sacrée, la série représente l’importance de cette montagne dans la vie quotidienne des Japonais de l’ère Edo. Depuis la terre ou la mer, sous la neige ou le soleil d’été, à travers une fenêtre ou dans une chape de brume, Hokusai le magnifie sous toutes ses formes. Le visage de l’œuvre d’Hokusai est aujourd’hui la Grande Vague de Kanagawa, dont l’iconographie est entrée dans la culture populaire mais dont on oublie souvent qu’elle figure aussi le mont Fuji.

Les Cinquante-trois stations du Tokaido sont une série d’estampes créée par Hokusai vers 1806. Elles représentent le Tokaido – l’axe de circulation le plus ancien du Japon- qui relie Tokyo (Edo, à l’époque d’Hokusai) à Kyoto sur 500 kilomètres. Surnommée « route de la mer de l’est », cette voie est célèbre pour les extraordinaires points de vue qui la jalonnent. Elle a été inspiration pour de nombreux artistes, dont Hiroshige qui représente également ses cinquante-trois stations dans une série du même nom.

GENRES TRADITIONNELS ET INNOVATIONS
En fonction des thèmes qu’elles abordent, les estampes ukiyo-e s’apparentent à plusieurs genres traditionnels de l’art japonais. Il n’est pas rare chez les maîtres que plusieurs genres soient présents dans une seule et même œuvre. Si Hokusai et ses contemporains ont repris la pratique de nombreux genres traditionnels, ils ont aussi lancé le succès de genres auparavant peu considérés, comme le fukei-ga. 

Le meisho-e se traduit par la peinture de vues célèbres : il consiste à identifier et représenter les caractéristiques les plus reconnaissables d’un lieu connu, de façon à ce que le public puisse aisément l’identifier.  Ce genre peut aussi s’adapter à des personnages ou des évènements – de grandes batailles ou des scènes emblématiques du quotidien d’une époque. L’exercice ne se rapporte pas forcément à la reproduction exacte du lieu ou du moment : l’élément fameux peut être symbolique ou suggéré. Le meisho-e mélange ainsi souvent peinture de paysage, de saison et de poésie. Hokusai comme Hiroshige ont laissé dans ce genre une production monumentale, notamment avec de très nombreuses représentations du mont Fuji.
Le fukei-ga, qui se développe à l’époque Edo sous la houlette des maitres ukiyo-e, est un dérivé du meisho-e. Il s’agit de la peinture de paysage comme genre à part entière – campagne, bord de mer, villages et montagnes… Les lieux du fukei-ga sont souvent anonymes et peuvent être le cadre de scènes de vie d’une classe laborieuse rarement représentée dans la production artistique antérieure. 

Le kacho-ga est un genre de l’ukiyo-e qui désigne les représentations d’oiseaux et de fleurs, auxquelles Hokusai se prête à de très nombreuses reprises. Signifiant littéralement « regarder les fleurs », le hanami est une tradition de contemplation des beautés naturelles, de laquelle découle un vaste héritage artistique. Le cerisier ornemental (sakura), est notamment un motif récurrent de l’art japonais. Les oiseaux sont aussi très présents ; hérons, aigrettes, moineaux symbolisent sagesse, honnêteté ou foyer. Il est intéressant d’amener la comparaison avec la nature morte occidentale, qui est avant tout un exercice de style et n’accentue pas la beauté végétale. Le kacho-ga, à l’inverse, fait de la nature vivante son sujet et en célèbre la beauté. Toutefois les représentations de fleurs occidentales comme japonaises font écho au caractère éphémère de la vie.

INFLUENCES CULTURELLES ET METISSAGE ARTISTIQUE
Les estampes de maitres comme Hokusai sont remarquables par leur nature métisse. Elles sont issues de l’art traditionnel japonais – lui-même largement inspiré de l’art chinois, et des influences occidentales qui se sont diffusées avec l’ouverture du pays au commerce extérieur.

L’œuvre d’Hokusai est un témoignage marquant de l’influence culturelle exercée par sa voisine chinoise. Malgré des périodes de tension dans leur relation, une partie de la culture japonaise s’est construite sur les apports chinois. Le bouddhisme, l’écriture fondée sur les idéogrammes, une partie du fonctionnement du système administratif sont des appropriations de traditions chinoises. Les estampes d’Hokusai clament un héritage chinois dans la culture visuelle japonaise. Il y représente de nombreux récits mythologiques et folkloriques sino-japonais, des divinités et des héros chinois ; il réalise même une carte particulièrement détaillée des sites remarquables de la Chine, pensée comme une clef à la compréhension de la littérature traditionnelle.

L’influence occidentale est aussi visible dans le mouvement ukiyo-e, dans deux domaines emblématique particulièrement : la perspective linéaire et l’utilisation du bleu de Prusse.

Traditionnellement dans l’art japonais, la profondeur est créée par l’insertion de nuage ou de bancs de brume devant certains éléments de décor, ainsi que par l’absence de ligne d’horizon. Hokusai maîtrise les codes de la perspective linéaire théorisée par les artistes de la Renaissance italienne et diffusée au Japon au XVIIIe siècle par les échanges avec la Hollande, et intègre souvent des éléments géométrique dans ses productions, sans abandonner toutefois les lambeaux de brume judicieusement placés et les décors flottants.
Hokusai utilise régulièrement, dans la colorisation de ses estampes, un pigment inconnu au Japon avant l’ouverture du pays au monde. Découvert accidentellement par un peintre allemand au début du XVIIIe siècle, le bleu de Prusse est introduit dans les années 1820 par les marchands hollandais. Hokusai utilise ce pigment pour la première fois en 1829, appréciant son intensité et sa résistance. La censure artistique obligeant les artistes à n’utiliser qu’un nombre limité de couleurs, il est aussi particulièrement apprécié pour les nombreuses nuances qu’il permet d’obtenir.

LE VISAGE DU SUCCES : LA GRANDE VAGUE DE KANAGAWA

La célébrité d’Hokusai aujourd’hui se niche en grande partie Sous la vague au large de Kanagawa, souvent plus simplement nommée La Grande vague. Ce motif est en effet si emblématique de l’œuvre d’Hokusai qu’il en a presque éclipsé tous les autres. L’artiste a représenté l’océan déchainé au large de Kanagawa, au sud d’Edo (aujourd’hui Tokyo), dans une estampe publiée en 1830. Deux œuvres antérieures (datées du début des années 1800) révèlent que celle-ci est le fruit d’une longue maturation : le motif de la vague est présent dans Hommoku au large de Kanawaga et dans Un bateau de transport rapide passe la crête d’une vague. La version finale de la Grande Vague de Kanagawa montre son évolution technique et représente avec virtuosité ce déchainement qui menace détruire sans effort les embarcations humaines sur son chemin. Le talent d’Hokusai à représenter avec une grande humilité une nature à la fois sublime et dangereuse offre à cette image une force inoubliable et un caractère universel.

Cette célébrité est une manifestation actuelle du succès encore vivace des estampes d’Hokusai.  Ses collections, notamment les mangas, eurent en effet un succès immédiat au Japon dès le XVIIIe siècle et concoururent largement à la diffusion puis à la notoriété des estampes japonaises en Occident.

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