Katsushika Hokusai est aujourd’hui l’un des artistes japonais les plus célèbres à travers le monde. Son œuvre peint, dessiné et gravé incarne la spiritualité et l’âme de son pays, particulièrement dans ses estampes de paysages, synthèse des principes traditionnels de l’art japonais et des influences occidentales. Hokusai laisse une production monumentale, comprenant des milliers d’œuvres remarquables tant par leur qualité esthétique que par leur variété stylistique : peintures, dessins, gravures, livres illustrés, manuels didactiques. Il est toutefois surtout connu du grand public pour ses estampes.
Hokusai rassemble vers 1830 un ensemble d’estampes sous le titre Les vues merveilleuses des ponts célèbres de toutes les provinces, dans laquelle il représente de nombreux ponts qui sillonnent le paysage japonais. Les représentations de ces ponts relèvent autant de l’exercice de perspective (héritage occidental qu’il étudie dès ses années de formation) que de celui des vues de lieux célèbres très prisé à l’époque – bien qu’il représente aussi des ponts anonymes, pris au détour d’un chemin de montagne et très vaguement situés dans les titres des estampes.
Les œuvres d’Hokusai s’inscrivent dans le mouvement ukiyo-e (XVIIe – XIXe siècle au Japon), qui peut être traduit par « images du monde flottant ». Les estampes tirées de planches de bois en sont le médium principal. Un faible coût de production permet leur diffusion à toutes les classes la société japonaise, par opposition à la peinture traditionnelle plutôt réservée à l’élite. En écho à cette accessibilité, les sujets représentés se diversifient également : nature, animaux, histoires et personnages mythologiques, paysages et scènes de la vie quotidienne sont mis à l’honneur.
Il s’agit ici d’un genre de l’ukiyo-e, le fukei-ga, ou peinture de paysage, dont Hokusai et Hiroshige sont des représentants à l’époque Edo. Le fukei-ga s’allie aussi dans cette œuvre au genre du meisho-e, qui se traduit par la peinture de vues célèbres.
Cette estampe représente le pont flottant de Sano, qui traverse la rivière Karasugawa dans la province de Kozuke. La scène est hivernale, on y voit un paysage enneigé, montagneux en arrière-plan. Le pont lui-même décrit une courbe harmonieuse à la surface de l’eau, qui est colorée d’une intense couleur bleue. Découvert accidentellement par un peintre allemand au début du XVIIIe siècle, le bleu de Prusse fut introduit au Japon dans les années 1820 par les marchands hollandais. Hokusai utilisa ce pigment pour la première fois en 1829, appréciant son intensité et sa résistance comparé aux autres pigments. La profondeur est efficacement marquée par les habitations au premier plan et par le tracé du pont sur la surface du lac.
L’intensité de cette scène et la vivacité des couleurs offrent à cette estampe de belles dimensions une qualité exceptionnelle.