Katsushika Hokusai est aujourd’hui l’un des artiste japonais le plus célèbre à travers le monde. Son œuvre peint, dessiné et gravé incarne la spiritualité et l’âme de son pays, particulièrement dans ses estampes de paysages, synthèse des principes traditionnels de l’art japonais et des influences occidentales. Hokusai laisse une production monumentale, comprenant des milliers d’œuvres remarquables tant par leur qualité esthétique que par leur variété stylistique : peintures, dessins, gravures, livres illustrés, manuels didactiques. Il est toutefois surtout connu du grand public pour ses estampes.
Les cent vues du mont Fuji font suite de la série des 36 vues du mont Fuji, et ont été publiées en trois volumes entre 1834 et 1840. Comme sa prédécesseuse, cette série présente de nombreuses vues du mont Fuji depuis différents lieux, sous tous les temps et tous les points de vue. Point culminant du Japon avec ses 3 776 mètres d’altitude, ce volcan est vénéré et admiré autant par les religieux que les laïcs et a été depuis le VIIe siècle une source d’inspiration infinie pour les artistes japonais. Dévouée à la beauté et à la nature sacrée du mont Fuji, cette série représente l’importance de cette montagne dans la vie quotidienne des Japonais de l’ère Edo. Depuis la terre ou la mer, sous la neige ou le soleil d’été, vu à travers une fenêtre ou dans une chape de brume, Hokusai le magnifie sous toutes ses formes. Le visage de l’œuvre d’Hokusai est aujourd’hui la Grande Vague de Kanagawa, dont l’iconographie est entrée dans la culture populaire mais dont on oublie qu’elle figure aussi le mont Fuji.
Les œuvres d’Hokusai s’inscrivent dans le mouvement ukiyo-e (XVIIe – XIXe siècle au Japon), qui peut être traduit par « images du monde flottant ». Les estampes tirées de planches de bois en sont le médium principal. Un faible coût de production permet leur diffusion à toutes les classes la société japonaise, par opposition à la peinture traditionnelle plutôt réservée à l’élite. En écho à cette accessibilité, les sujets représentés se diversifient également : nature, animaux, histoires et personnages mythologiques, paysages et scènes de la vie quotidienne sont mis à l’honneur.
Il s’agit ici d’un genre de l’ukiyo-e, le fukei-ga, ou peinture de paysage, dont Hokusai et Hiroshige sont des représentants à l’époque Edo.
Le fukei-ga s’allie aussi dans cette œuvre au genre du meisho-e, qui se traduit par la peinture de vues célèbres. Cette pratique consiste à identifier et représenter les caractéristiques les plus reconnaissables d’un lieu célèbre, de façon que le public puisse aisément l’identifier. L’image ne se doit pas forcément d’être particulièrement réaliste : le renvoi peut être symbolique. Le meisho-ga mélange souvent peinture de paysage, de saison et de poésie.
Deux maisons sont ici construites à l’ombre des pins et le mont Fuji qui se détache en toile de fond. Le volet droit du dyptique présente des écharpes de brume qui font se fondre le paysage et quasiment disparaitre la profondeur, donnant à la scène un aspect onirique. Traditionnellement dans l’art japonais, avant l’incorporation des techniques de perspective linéaire occidentale, la profondeur est rendue par l’insertion de nuage ou de banc de brume devant certains éléments de décor et l’absence de ligne d’horizon.