Katsushika Hokusai est aujourd’hui l’un des artiste japonais le plus célèbre à travers le monde. Son œuvre peint, dessiné et gravé incarne la spiritualité et l’âme de son pays, particulièrement dans ses estampes de paysages, synthèse des principes traditionnels de l’art japonais et des influences occidentales. Hokusai laisse une production monumentale, comprenant des milliers d’œuvres remarquables tant par leur qualité esthétique que par leur variété stylistique : peintures, dessins, gravures, livres illustrés, manuels didactiques. Il est toutefois surtout connu du grand public pour ses estampes.
Hokusai rassemble vers 1829 un ensemble d’estampes sous le titre de Chugi Suidoken E-hon, c’est-à-dire Portraits des Héros de Suidoken. Il s’inspire pour ses illustrations d’un des piliers de la littérature chinoise, Shuǐ hǔ Zhuàn (que l’on peut traduire comme Au bord de l’eau, l’appellation Suidoken est la version japonaise du titre chinois), un roman d’aventure épique tiré de légendes et de traditions orales qui relatent les aventures de cent huit bandits révoltés contre la corruption de l’Empire et protégeant les faibles et les indigents. Malgré des périodes de tension dans leur relation, une partie de la culture japonaise s’est construite sur les apports chinois. Le bouddhisme, l’écriture fondée sur les idéogrammes, une partie du fonctionnement du système administratif sont des appropriations de traditions chinoises. Les estampes d’Hokusai clament un héritage chinois dans la culture visuelle japonaise. Il y représente de nombreux récits mythologiques et folkloriques sino-japonais, des divinités et des héros chinois ; il réalise même une carte particulièrement détaillée des sites remarquables de la Chine, pensée comme une clef à la compréhension de la littérature traditionnelle.
Les œuvres d’Hokusai s’inscrivent dans le mouvement ukiyo-e (XVIIe – XIXe siècle au Japon), qui peut être traduit par « images du monde flottant ». Les estampes tirées de planches de bois en sont le médium principal. Un faible coût de production permet leur diffusion à toutes les classes la société japonaise, par opposition à la peinture traditionnelle plutôt réservée à l’élite. En écho à cette accessibilité, les sujets représentés se diversifient également : nature, animaux, histoires et personnages mythologiques, paysages et scènes de la vie quotidienne sont mis à l’honneur.
Il s’agit ici d’un genre de l’ukiyo-e, le fukei-ga, ou peinture de paysage, dont Hokusai et Hiroshige sont des représentants à l’époque Edo.
Le fukei-ga s’allie aussi dans cette œuvre au genre du meisho-e, qui se traduit par la peinture de vues célèbres. Cette pratique consiste à identifier et représenter les caractéristiques les plus reconnaissable d’un lieu célèbre, de façon que le public puisse aisément l’identifier. L’image ne se doit pas forcément d’être particulièrement réaliste : le renvoi peut être symbolique. Le meisho-ga mélange souvent peinture de paysage, de saison et de poésie.
Cette estampe ne représente pas à proprement parler une scène du livre, mais un paysage imaginé par Hokusai comme cadre à certaine des aventures relatées. C’est un exercice notable de finesse dans les détails de la roche et de la végétation. On note, sur la gauche, la présence de constructions humaines.